Un blogue fait par et pour les élèves du collège Marcel Aymard, pour leurs amis, leurs parents et tous ceux, curieux et bienveillants, qui ont envie de découvrir ce que rêvent, pensent, sentent... et écrivent les jeunes plumes.

Dans la presse (Radio Larzac, Midi Libre, Journal de Millau)

A l'occasion de la publication du recueil Vacances Virtuelles et autres nouvelles, la presse est venue à la rencontre des auteurs et lecteurs de Jeunes Plumes jeudi 6 octobre dernier au CDI du collège.

Radio Larzac, dans "L'actu sur un plateau" des 23 et 25 octobre 2015 lien vers l'émission



Le Journal de Millau du jeudi 15 octobre 2015

et en page 2 de Midi Libre  du mardi 13 octobre 2015 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





 





 

 



Cauchemar en jaune (bis)


Le réveil sonna à six heures précises. Ce matin-là n’était pas comme les autres. Elle l’attendait depuis déjà un moment. Il y avait un mois qu’elle avait commencé à tout préparer, tout planifier pour ce grand jour. Ce fut donc avec un sourire aux lèvres et une bonne humeur non dissimulée qu’elle alla retrouver son mari, en pleine réflexion devant son café depuis un bon quart d’heure. Il avait l’air soucieux, comme s’il était en train de se remémorer quelque chose qui lui tenait à cœur. Elle s’approcha de lui en virevoltant. En temps normal, c’était une femme heureuse, franche et d’un bon caractère. Elle aimait de tout son cœur son mari, même si celui-ci restait quelque peu indifférent aux petits mots ou attentions qu’elle lui adressait. Elle l’embrassa sur le front, s’assit en face de lui et, la mine réjouie, le regarda droit dans les yeux. Il consentit finalement à lever les siens, et elle lui dit d’un ton joyeux :
« -Bon anniversaire mon chéri… »
Il resta comme abasourdi pendant deux à trois secondes, puis, brusquement, avala son café et se leva. Il se dirigea vers la sortie et, avant de partir, se retourna et articula un merci, froidement, avant de claquer la porte. Elle fut d’abord surprise par sa réaction, puis se dit, tout naturellement, qu’il devait avoir reçu pas mal de coups de téléphone dans la matinée à cette occasion, et qu’il en avait déjà assez qu’on lui souhaite un bon anniversaire.


Toute la matinée, elle s’activa à tout préparer dans le salon. Elle avait tout prévu. Elle avait organisé cette journée depuis des mois et elle l’attendait avec impatience. Elle sortit les guirlandes et les bougies de son placard, arrangea les fauteuils et les canapés comme elle l’avait planifié.
L’après-midi, tout était prêt. Elle commença donc à s’occuper du gâteau d’anniversaire. Elle le décora avec de petites pâtisseries, ainsi qu’un énorme « 40 », trônant au milieu de la crème chantilly. Pour être sûre que tout serait parfait, elle se fit confirmer par téléphone que tous les invités viendraient bien à la soirée organisée après le dîner au restaurant qu’elle avait prévu de faire en tête-à-tête avec son mari.
Elle s’était échinée à contacter tous les amis, proches ou éloignés, les collègues de travail, et même les anciens camarades d’école. En tout, ils seraient quarante et ce n’était pas par hasard. Ils lui assurèrent qu’ils seraient tous là pour vingt-heures trente. Son mari était né à vingt heures quarante-six.
Elle passa une fois de plus en revue le moindre petit détail de ses préparatifs. Elle s’aperçut tout à coup que la lumière du salon avait quelque chose de particulier. En regardant mieux, elle comprit que c’était l’ampoule de la vieille lampe pendue au plafond qui donnait une vilaine couleur jaunâtre à l’ensemble des bougies. Elle voulut la changer, mais regarda l’heure : il était dix-neuf heures. Elle était en retard pour aller chercher son mari au travail. Elle renonça à changer l’ampoule, attrapa son manteau et se précipita hors de la pièce.


Son mari ne parut pas enchanté lorsqu’elle lui annonça qu’elle l’invitait au restaurant. Elle lui dit alors qu’il devait avoir passé une longue journée, qu’un bon repas au restaurant lui ferait du bien, et il finit par accepter. Elle faillit lui annoncer qu’une surprise l’attendait en rentrant chez eux, mais réussit à contenir son impatience. Il ne fallait pas gâcher la fête.
Le repas se passa sans encombre, hormis le fait qu’il avait l’air impatient d’en finir. Mais elle ne voulut pas tout de suite quitter le restaurant, pensant qu’il était encore trop tôt pour partir. Elle voulait laisser le temps aux invités d’arriver.
Ce fut donc seulement vers vingt heures trente qu’ils sortirent enfin. Son mari voulut prendre le volant de la voiture. Elle le laissa faire, étant donné que c’était son anniversaire. Il roula vite, prenant les virages trop serrés, et consultant sa montre en permanence. Elle lui demanda alors si quelque chose n’allait pas mais il répondit sèchement qu’il allait très bien. Elle se crispa à son siège en regardant droit devant elle. Il savait très bien qu’elle avait peur en voiture et pourtant il roulait beaucoup trop vite. Elle s’imagina qu’il voulait arriver à la maison avant l’heure de sa naissance ; elle s’en réjouit : après tout, cela correspondait parfaitement à ses plans.

En arrivant devant chez eux, elle se précipita hors de la voiture et respira un grand coup. Son cœur battait à toute vitesse et, d’un coup, elle prit peur. Il faisait sombre dans la rue. Seul un lampadaire à la lumière blafarde éclairait vaguement le trottoir. Elle se rasséréna en pensant à tous les invités qui attendaient certainement avec impatience leur arrivée. Elle se retourna vers son mari, se demandant ce qu’il fabriquait. Elle l’entendit qui farfouillait précipitamment dans le coffre de la voiture. Elle se retourna vers la porte de la maison en cherchant ses clefs dans son sac. A nouveau elle eut peur. Elle se demanda ce qui lui arrivait ; c’était idiot de sa part de paniquer ainsi pour un simple anniversaire. Elle trouva sa clef, et au moment de la glisser dans la serrure, se retourna brusquement. Une ombre terrifiante se dressait au-dessus d’elle, brandissant une matraque. Le choc fut tellement fort qu’elle n’eut pas le temps de crier. Elle eut l’impression que sa tête allait exploser et s’effondra dans les bras de son mari, dont le visage grimaçait, rayonnant d’une joie cruelle qui lui transperça le cœur. Les secondes qui suivirent furent très rapides. Ses tempes tambourinaient et elle se sentait partir. Pourquoi ? Pourquoi l’avait-il assassinée ? Elle ne le saurait jamais.

Elle entendit son mari ouvrir la porte de la maison et, à travers le brouillard qui emplissait ses yeux de plus en plus vite, aperçut la lumière jaunâtre du salon, et les silhouettes des quarante invités qui, brandissant leurs cadeaux à bout de bras, criaient en chœur : « -Surprise ! »

Rachel (Troisième)
d'après "Cauchemar en jaune" de Friedrich Brown (avec changement de point de vue)