Un blogue fait par et pour les élèves du collège Marcel Aymard, pour leurs amis, leurs parents et tous ceux, curieux et bienveillants, qui ont envie de découvrir ce que rêvent, pensent, sentent... et écrivent les jeunes plumes.

Antoinette Kampf écrit à sa cousine... : d'après Le Bal d'Irène Nemirovski



 Paris, 23 février 1927
                  
 Chère cousine,


                   J’espère que tu vas bien. Je t’écris cette lettre car j’ai un grand besoin de me confier à quelqu’un. J’ai fait quelque chose de terrible. Tu sais que nous venons d’avoir une grosse fortune ? Eh bien, ma mère a eu l’idée d’organiser un bal. Tu imagines ? Danser toute la soirée, rire et manger des petits fours, un rêve… Mais, évidemment, elle n’aurait pas permis que je sois heureuse comme ça. Elle m’a interdit d’y aller. Elle ne voulait même pas que je reste pour voir les invités arriver. J’en avais assez ! Elle me considère encore comme une enfant incapable de grandir. Elle m’en empêche ! L’autre soir, après mon cours de piano, Betty est venue me chercher. Il y avait un homme avec elle. Il était jeune, plus jeune qu’elle. J’ai tout de suite su que c’était son amoureux. Je sais que c’est idiot, mais j’étais jalouse je crois. Je n’avais jamais ressenti cette sensation. Mon cœur battait à tout rompre, j’avais presque peur qu’ils l’entendent. Mes bras et mes jambes tremblaient, et je le dévorais des yeux. Lui il s’en fichait. J’avais même l’impression de l’agacer. A ce moment-là , Betty l’a attrapé par le bras et il a proposé de nous raccompagner. Je ne pouvais même plus lui répondre. Ils ont commencé à marcher devant moi en se prenant dans les bras pour se réchauffer. Ils allaient trop vite. Je claquais des dents et tentais de réchauffer mes doigts et mes orteils engourdis. J’étais désespérée, et une foule de sentiments se bousculaient dans ma tête. Ils se sont finalement arrêtés. J’ai pensé qu’ils m’attendaient enfin, mais Betty a sorti les lettres d’invitation au bal de sa poche et me les a fourrées dans les mains. Elle m’a dit d’aller les poster à une boîte aux lettres, quelques mètres plus loin. A cet instant, je lui en ai voulu énormément. Pour qui se prenait-elle ? En plus, j’avais l’impression désagréable de les gêner. J’étais folle de rage.
Pourquoi avait-elle le droit d’être amoureuse, d’être une femme et pas moi ? Ils se sont éloignés et se sont enfoncés dans l’ombre.
Ils ont alors commencé à s’embrasser. Je suis restée figée sur place, ne pouvant plus bouger. Ma tête bourdonnait et je me suis sentie prise de vertiges. J’ai regardé les lettres entre mes doigts violets, puis les amoureux qui s’embrassaient toujours. Il y avait trop de sentiments nouveaux qui me submergeaient à la fois.
J’essayais de retrouver mes esprits en laissant mon regard se perdre dans l’eau noire et profonde de la Seine, puis, soudainement, j’ai déchiré toutes les invitations et les ai jetées avec rage dans l’eau.
J’ai attendu quelques minutes, le cœur dilaté, puis j’ai rejoint Betty.
L’homme avait disparu. Nous sommes rentrées à la maison.
Personne ne sait ce qui s’est passé à part toi et moi.
J’ai écrit cette lettre dans ma chambre juste après être arrivée. J’ai peur, Jeanne, de ce qui peut arriver, mais en même temps, je suis soulagée. Un poids énorme s’est envolé, je me suis vengée.
Les grandes personnes m’ignoraient, mais maintenant, je ne suis plus une petite fille…
Cela m’a fait du bien de t’écrire, ma Jeanne.
J’ai besoin de réconfort et je sais que tu es toujours là.
Merci.
Je t’embrasse, à très bientôt.
Donne-moi de tes nouvelles.
Ton amie et cousine Antoinette


R. (Quatrième)

Sur l'eau... suite fantastique



                    Le fleuve était parfaitement tranquille, mais je me sentis ému par le silence extraordinaire qui m'entourait. Toutes les bêtes, grenouilles et crapauds, ces chanteurs nocturnes des marécages, se taisaient. Soudain, à ma droite, contre moi, une grenouille coassa. Je tressaillis : elle se tut ; je n'entendis plus rien, et je résolus de fumer un peu pour me distraire. Cependant, quoique je fusse un culotteur de pipes renommé, je ne pus pas ; dès la seconde bouffée, le cœur me tourna et je cessai. Je me mis à chantonner ; le son de ma voix m'était pénible ; alors, je m'étendis au fond du bateau et je regardai le ciel. Pendant quelque temps, je demeurai tranquille, mais bientôt les légers mouvements de la barque m'inquiétèrent. Il me sembla qu'elle faisait des embardées gigantesques, touchant tour à tour les deux berges du fleuve ; puis je crus qu'un être ou qu'une force invisible l'attirait doucement au fond de l'eau et la soulevait ensuite pour la laisser retomber. J'étais ballotté comme au milieu d'une tempête ; j'entendis des bruits autour de moi ; je me dressai d'un bond : l'eau brillait, tout était calme.
    Je compris que j'avais les nerfs un peu ébranlés et je résolus de m'en aller. Je tirai sur ma chaîne ; le canot se mit en mouvement, puis je sentis une résistance, je tirai plus fort, l'ancre ne vint pas ; elle avait accroché quelque chose au fond de l'eau et je ne pouvais la soulever ; je recommençai à tirer, mais inutilement.

                Agité, je retombai au fond de ma barque. Comment cette ancre avait-elle pu s’amarrer si fortement ? Et cette eau trouble…Je m’essuyai le front de mes mains moites. Un frémissement me parcourut tout entier. Peut-être que, dans cette tête qui était mienne, mes pensées se brouillaient jusqu’à me faire voir des choses inexistantes, peut-être que tout n’était qu’illusion, peut-être que… Non, je ne voulais pas : je pensais normalement, j’avais toujours pensé ainsi. Plus calme, je me relevai.
               
                J’étais à la fois bouleversé et éberlué mais bientôt, ce fut l’angoisse qui prit le dessus. C’était le sentiment qui ressortait le plus du paysage qui s’offrait à ma vue. La brume s’était levée : à présent, je pouvais voir les rives parsemées d’arbres nus et gris qui résistaient à la bise glaciale. Des herbes sèches fouettaient leurs troncs .Une bourrasque particulièrement violente les secoua et arracha aux corbeaux posés sur leurs branches un cri rauque, poussé à l’unisson, qui me laissa glacé d’effroi. Un imperceptible mouvement attira mon regard. En fixant intensément la rive, je reconnus une ombre rappelant vaguement une silhouette féline. Elle me fixait elle aussi de ses pupilles ambrées, seule chose que j’étais certain de discerner en elle, seule tache de couleur dans ce sombre paysage. Je détournai difficilement les yeux de cette vision et reportai toute mon attention sur l’ancre.

                L’eau avait également changé. Elle était tellement transparente que je pouvais voir le fond, auquel manquaient les poissons et les algues. Un gouffre s’étirait dans le sens de la longueur. Mon ancre était fichée en son fond ! Comment avait-elle pu arriver là ? Elle n’était pas du tout assez longue ! Interloqué, je me penchai davantage ; je me penchai trop, même. Tout bascula autour de moi. Je me retrouvai dans l’eau, attiré vers le fond par une force invisible mais irrésistible. Je ressortis la tête et vis l’ombre et ses pupilles ambrées qui semblaient avoir avalé la barque. Bientôt, le ne vis plus rien.

Guy de Maupassant, pour le début en italiques tiré de la nouvelle fantastique "Sur l'eau"
L.  (Quatrième) pour la suite

Le Cerisier d'Hélène



Hélène était mon aïeule. Elle a perdu son mari très jeune lors de la première guerre mondiale.  Elle avait un fils, Louis, âgé de 3 mois. Je tenais à lui rendre hommage car depuis que j'ai découvert l'histoire de sa vie, je l’admire. 
Hélène avait une passion pour l’écriture, c’est pourquoi j’ai choisi la poésie plutôt qu’un autre moyen d’expression. Je vous laisse découvrir ce poème en espérant qu’il vous plaira.



Le cerisier d’Hélène

J’ouvre les yeux,
Mais, en regardant autour de moi,
Je retrouve un monde,
Un drôle  de monde.
Rien, il ne reste.

Cette guerre l’a assassiné !
Son amour, son aimé !
Mais, par la fenêtre,
J’aperçois le cerisier.

Oh ! Quel joli cerisier !
Debout même après l’horreur,
L’horreur de cette fureur.

Oh ! Quel joli cerisier !
Toujours silencieusement odorant.
Il deviendra rose de parme en fleurissant.

Comme pour annoncer sa renaissance.
Ainsi, il saura la consoler.
J,
Arrière arrière petite-fille  d’Hélène
 (Quatrième)