Paris, 23 février 1927
Chère
cousine,
J’espère
que tu vas bien. Je t’écris cette lettre car j’ai un grand besoin de me confier
à quelqu’un. J’ai fait quelque chose de terrible. Tu sais que nous venons
d’avoir une grosse fortune ? Eh bien, ma mère a eu l’idée d’organiser un
bal. Tu imagines ? Danser toute la soirée, rire et manger des petits
fours, un rêve… Mais, évidemment, elle n’aurait pas permis que je sois heureuse
comme ça. Elle m’a interdit d’y aller. Elle ne voulait même pas que je reste
pour voir les invités arriver. J’en avais assez ! Elle me considère encore
comme une enfant incapable de grandir. Elle m’en empêche ! L’autre soir,
après mon cours de piano, Betty est venue me chercher. Il y avait un homme avec
elle. Il était jeune, plus jeune qu’elle. J’ai tout de suite su que c’était son
amoureux. Je sais que c’est idiot, mais j’étais jalouse je crois. Je n’avais
jamais ressenti cette sensation. Mon cœur battait à tout rompre, j’avais
presque peur qu’ils l’entendent. Mes bras et mes jambes tremblaient, et je le
dévorais des yeux. Lui il s’en fichait. J’avais même l’impression de l’agacer.
A ce moment-là , Betty l’a attrapé par le bras et il a proposé de nous
raccompagner. Je ne pouvais même plus lui répondre. Ils ont commencé à marcher
devant moi en se prenant dans les bras pour se réchauffer. Ils allaient trop
vite. Je claquais des dents et tentais de réchauffer mes doigts et mes orteils
engourdis. J’étais désespérée, et une foule de sentiments se bousculaient dans
ma tête. Ils se sont finalement arrêtés. J’ai pensé qu’ils m’attendaient enfin,
mais Betty a sorti les lettres d’invitation au bal de sa poche et me les a
fourrées dans les mains. Elle m’a dit d’aller les poster à une boîte aux
lettres, quelques mètres plus loin. A cet instant, je lui en ai voulu
énormément. Pour qui se prenait-elle ? En plus, j’avais l’impression
désagréable de les gêner. J’étais folle de rage.
Pourquoi
avait-elle le droit d’être amoureuse, d’être une femme et pas moi ? Ils se
sont éloignés et se sont enfoncés dans l’ombre.
Ils
ont alors commencé à s’embrasser. Je suis restée figée sur place, ne pouvant
plus bouger. Ma tête bourdonnait et je me suis sentie prise de vertiges. J’ai
regardé les lettres entre mes doigts violets, puis les amoureux qui
s’embrassaient toujours. Il y avait trop de sentiments nouveaux qui me
submergeaient à la fois.
J’essayais
de retrouver mes esprits en laissant mon regard se perdre dans l’eau noire et
profonde de la Seine, puis, soudainement, j’ai déchiré toutes les invitations
et les ai jetées avec rage dans l’eau.
J’ai
attendu quelques minutes, le cœur dilaté, puis j’ai rejoint Betty.
L’homme
avait disparu. Nous sommes rentrées à la maison.
Personne
ne sait ce qui s’est passé à part toi et moi.
J’ai
écrit cette lettre dans ma chambre juste après être arrivée. J’ai peur, Jeanne,
de ce qui peut arriver, mais en même temps, je suis soulagée. Un poids énorme
s’est envolé, je me suis vengée.
Les
grandes personnes m’ignoraient, mais maintenant, je ne suis plus une petite
fille…
Cela
m’a fait du bien de t’écrire, ma Jeanne.
J’ai
besoin de réconfort et je sais que tu es toujours là.
Merci.
Je
t’embrasse, à très bientôt.
Donne-moi
de tes nouvelles.
Ton
amie et cousine Antoinette
R. (Quatrième)
R. (Quatrième)
Très bon blog !
RépondreSupprimersuper j'adore moi meme écrire !
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