Un blogue fait par et pour les élèves du collège Marcel Aymard, pour leurs amis, leurs parents et tous ceux, curieux et bienveillants, qui ont envie de découvrir ce que rêvent, pensent, sentent... et écrivent les jeunes plumes.

Le commissaire Newcomen aux trousses de Monsieur Hyde



 Un récit policier à six mains : le point de vue de Newcomen dans l'affaire Hyde...

Le commissaire Newcomen était assis dans son large fauteuil comme toutes les nuits depuis maintenant deux ans. Il se tenait jambes croisées, sourcils froncés, la bouche pincée comme chaque fois qu’une idée lui trottait dans la tête. C’était un bel homme, encore jeune, issu d’une famille plutôt aisée. Il se présentait toujours chic et élégant : il portait un costume noir, des bottines cirées, un haut de forme : un vrai gentleman. Sa voix était rauque. Il possédait la manie agaçante de claquer la langue contre son palais à tout moment. Néanmoins il plaisait beaucoup aux dames grâce à son charisme d’homme sûr de soi. Il faut dire qu’il avait tout réussi dans sa vie : sa carrière était brillante, il tenait une belle place dans la société. Cet homme, assoiffé de gloire, ne recherchait que la célébrité. Il voulait être le meilleur dans toutes les catégories. Et quand il remportait la moindre réussite, il ne se privait pas d’en parler. Il avait choisi la voie de la justice : quoi de mieux que de résoudre de croustillants meurtres pour voir votre nom sur les lèvres de tout le monde ?

Cette nuit-là, son subordonné fit irruption dans son bureau : « Une domestique a assisté à un meurtre », dit-il. Intrigué, le commissaire corna la page de sa lecture puis suivit l’agent au bureau principal. Sur une chaise se tenait une femme plutôt petite, le regard vide, fixant un point inexistant. Newcomen s’était assis devant elle, la faisant revenir à la vie. Elle l’avait fixé d’un regard sombre, presque effrayant, et avait murmuré d’une voix étrangement calme : « M. Hyde. C’était lui. Le meurtrier. Il l’a tué sous mes yeux. Un pauvre homme. Il ne s’est même pas défendu. »

Newcomen avait l'habitude de ce genre d'affaire. Néanmoins une difficulté se présenta : Hyde n’était inscrit sur aucun registre. Il devait être nouveau dans le coin. Le commissaire se dirigea donc sur le lieu du crime. Il inspecta le corps et les alentours. Sous la lumière crépusculaire, les coups que la victime avait subis étaient à peine visibles. Sa bouche était entrouverte et le sang qu'il avait perdu n'était pas encore sec. Son costume et sa cravate étaient tachés de terre et de sang. Ses traits étaient détendus, il semblait dormir. Le commissaire soupira et s’approcha de la victime. Il grimaça en voyant l’état du visage  de l’homme ; il s’accroupit à sa hauteur. « Pauvre homme », murmura-t-il. Il laissa son regard parcourir le corps du défunt. Il s’arrêta sur un bout d’enveloppe qui dépassait de son manteau. Sa curiosité fut attisée et d’un geste rapide il souleva l’habit. Une lettre avait glissé de l’une des poches. Il la prit, la retourna et put y lire le nom d’un certain Utterson. Un sourire presque vorace apparut sur les lèvres du commissaire. Il se releva précipitamment, brandit la lettre au-dessus de sa tête et clama : « J’ai une piste ! » Quelques minutes après, l’enquêteur découvrit un peu plus loin l’arme du forfait : un morceau de canne. L’inspection terminée, le commissaire se promit d’aller rendre visite à ce fameux Utterson dès la venue du matin.

C’est ce qu’il fit. Devant sa porte, Newcomen toqua trois fois. Il fut bientôt introduit par un domestique auprès du propriétaire, Utterson, notaire de son état. Il lui expliqua les faits et la présence de son nom sur la lettre retrouvée sur le corps. Il vit que le notaire était très intéressé par cette histoire, et qu’elle le rendait nerveux ; mas le commissaire se promit de ne pas tirer de conclusions hâtives. Il tendit la lettre à Utterson qui le remercia, la prit et l’ouvrit. Newcommen fut déçu : le notaire n’en révéla pas le contenu. Le commissaire se contenta de claquer la langue contre son palais. Il trouvait cet homme trop silencieux et bien trop mystérieux. Il se fit la promesse de garder sur lui un œil attentif. C’est à ce moment qu’Utterson releva la tête de sa lecture. Il demanda à voir le corps.

Entré dans la cellule où reposait la victime, Utterson affirma le reconnaître : il s'agissait selon lui de sir Danvers Carew. A cette annonce, le commissaire claqua à nouveau la langue contre son palais et cria presque : « Un noble ? Alors cette affaire ne fera pas doubler mais tripler ma réputation ! » Newcomen se sentit pousser des ailes. Si il réussissait à arrêter le coupable, son nom apparaîtrait sur les lèvres de tous les citoyens et ferait la une de tous les journaux. Il voyait déjà les gros titres : «L'exploit du commissaire Newcomen ! », ou «L'arrestation de Hyde par l'extraordinaire Newcomen !», ou « Le célèbre Newcomen récompensé pour son incroyable arrestation d'un dangereux criminel !». Il surprit sur lui le regard pesant d’Utterson et se ressaisit en adoptant un comportement plus professionnel.  Il désigna à Utterson l’arme du crime. Ce dernier ne réagit pas mais Newcomen aurait juré avoir vu une lueur de peur briller un instant dans ses yeux. Une pensée traversa l’esprit du commissaire : « il est trop louche pour être innocent. Je mettrais ma main à couper que cet homme est lié – volontairement ou non – à cette affaire. »
« Avez-vous identifié le meurtrier ? »
Newcomen posa fixement les yeux sur Utterson. Pouvait-il lui dire ? Après tout, il le gardait à l’œil.
« Un certain Monsieur Hyde. Le connaissez-vous ? »
Les deux hommes s’affrontèrent du regard quelques secondes puis Utterson avoua : « Effectivement je le connais. Et je peux vous mener à ses appartements ». Voilà une chose de plus qui étonna Newcomen : ainsi il connaissait le présumé agresseur ? Bien entendu il ne refusa pas l’aide du notaire et c’est ainsi qu’ils partirent en direction du logis de Monsieur Hyde.


Ils montèrent tous deux dans un cab ; durant le trajet qui les menaient à Soho, les deux compagnons restèrent silencieux. Il était neuf heures du matin mais le ciel était encore obscur. Le brouillard se levait tout de même peu à peu pour laisser place aux quelques rayons de soleil qui essayaient de percer. Arrivés au domicile du principal suspect, ils sortirent du cab et restèrent immobiles un instant. La fraîcheur matinale envahit le commissaire qui observait la façade lugubre de l'appartement. Le quartier de Soho était l'un des plus pauvres de Londres. On se croyait dans un autre monde, où le bonheur n'existe pas. Les habitants étaient renfermés, froids, distants. Ils vous regardaient avec un air si hostile qu'il vous faisait frissonner. Leurs vêtements étaient sales, trop petits. Il y régnait un silence épouvantable, et de temps en temps le cri perçant d'une femme ou d'un enfant battu venait vous glacer le sang.
Ils allèrent frapper à la porte de la bâtisse, dépourvue de sonnette. Une vieille femme vînt ouvrir, M. Hyde n'étant pas là. Utterson demanda à voir ses appartements mais elle refusa. Le commissaire dut alors jouer sur son autorité. La vieille sembla éprouver de la joie quand elle sut que Hyde avait des ennuis avec la police et les laissa entrer.


Il y régnait dans l’appartement un désordre épouvantable qui venait sans doute du départ précipité du fugitif. Un grand lit à baldaquin trônait au milieu de la pièce. Les tiroirs d'une commode et d'une table de nuit en chêne étaient ouverts, l'un était à terre, renversé. Des vêtements tâchés (certains de sang) jonchaient le sol, des objets cassés avaient été jetés par terre et des papiers qui venaient d'être brûlés remplissaient la cheminée. Sur les murs, des tableaux de grands peintres recouvraient la vieille tapisserie.
D'après la vieille dame, cela faisait près de deux mois que l'intéressé n'était pas venu, avant la courte visite de cette nuit. Derrière la porte de sa chambre, Utterson reconnut l'autre moitié de la canne. Le commissaire et lui se regardèrent un instant : cela venait confirmer officiellement leur soupçon.
Le commissaire décida de publier un signalement de Hyde. Il interrogea toutes les personnes l'ayant déjà rencontré, susceptibles de le décrire. Car en effet, sa famille restait introuvable et il ne s'était jamais fait photographier. Mais toutes les personnes ne répondaient qu'une chose : l’air antipathique et diabolique qui se dégageait de ce petit être était la seule image qui leur revenait à l'esprit...
Newcomen retrouverait le fugitif, il en était sûr. Il se disait en lui-même : « j’aurai bien vite résolu cette affaire ! » Hé bien, c’est ce qu’il croyait…

Anissa, Léa et Naïs, Quatrième

Si vous voulez connaître le fin mot de l'histoire, lisez Le cas étrande du Docteur Jekyll et de Monsieur Hyde, de Robert Louis Stevenson
http://www.musicalavenue.fr/files/image/actualite/2012/02_Fevrier/jekyll_and_hyde.jpg

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